Le Voyageur imprudent.

Le Voyageur imprudent est un téléfilm de Pierre Tchernia (1982) tiré du roman éponyme de René Barjavel (paru en 1943 en France occupée).

Le film commence par une narration en voix-off du héros qui consigne l'histoire dans son journal...

Par un soir de 1940, un escadron de l'armée française en déroute fait halte dans un petit village de la banlieue parisienne. Paris est déclarée ville ouverte, les Allemands approchent. Pierre Saint-Menoux (Thierry Lhermitte), simple soldat, mathématicien dans le civil, fait la connaissance du professeur Noël Essaillon (Jean-Marc Thibault), un infirme, et de sa fille Annette (Anne Caudry.) Celui-ci savait qu'il viendrait et l'attendait. Le professeur travaille sur la possibilité de voyager dans le temps et a mis au point des pilules qui permettent le saut temporel 15 mn dans le passé ou dans le futur puis de revenir à son point de départ, et ce sont les travaux de mathématiques de Pierre qui l'ont guidé. En effet, Pierre, descendant d'un prestigieux héros de l'empire napoléonien (mort dans son lit), a tenté de se faire un nom dans le domaine des mathématiques en avançant des théories révolutionnaires qui ne lui ont valu en retour que lazzis et quolibets de la part de ses lecteurs, à l'exception d'un seul, Noël Essaillon. En appliquant ces théories à son domaine de recherche, le professeur a trouvé le moyen de voyager dans le temps. Ils doivent se séparer mais gardent le contact.

Rendu à la vie civile, Pierre rejoint le professeur qui poursuit ses expériences et met au point une combinaison qui lui sert désormais de véhicule temporel. Pierre la teste et réalise qu'il éprouve de l'attirance pour Annette vers qui ses pensées le guident à travers le temps. Le professeur va plus loin : il change le présent en modifiant le cours des événements, annulant ainsi la mort de sa gouvernante... Toutefois, il refuse de modifier son propre passé : en annulant l'accident qui l'a rendu infirme, il annulerait aussi la rencontre avec son épouse et la naissance d'Annette...

Le professeur Essaillon et Pierre Saint-Menoux

Les expériences se poursuivent, Pierre voyage dans le futur jusqu'aux années 80 et filme le Paris de l'époque. Le professeur Essaillon s'émerveille de l'abondance matérielle dont jouissent les Parisiens de l'avenir et de l'avancée de la technologie mais constate tristement que la société du futur n'a pas aboli la guerre. Les deux hommes se transportent plus loin dans l'avenir et découvrent un Paris ravagé par la guerre. Désespéré, le professeur néglige un accroc dans sa combinaison qui lui est fatal. Pierre remonte dans le temps pour annuler la mort du professeur, mais celui-ci va se laisser mourir de désespoir, pensant qu'on n'a pas le droit de reprendre sa mort à Dieu.

Pierre poursuit les recherches avec Annette qui remonte discrètement le temps pour observer son regretté père de son vivant, mais l'argent vient à manquer. Le mathématicien décide de se transporter 50 ans dans le passé pour voler des bijoux et les revendre dans le présent. Le voyageur réalise alors que ses actions ont des répercussions dans le présent : les exploits du Diable Vert (surnom attribué à cause de la couleur de sa combinaison) sont relatés dans la littérature populaire. Pierre les découvre dans un livre qui n'existait pas avant son incursion dans le passé. Il redouble alors d'audace mais se fait attraper. Sa combinaison est déchirée, il reste bloqué dans une époque où il n'est pas encore né.

Pierre enfile la combinaison temporelle qui lui vaudra le surnom de Diable Vert sous le regard du professeur et de sa fille, Annette.

Lors de son audition par le procureur (Jean Bouise), ce dernier presse sur un bouton qui renvoie la combinaison vide dans le présent. Annette, voyant revenir la combinaison, la répare, revêt celle de son père et part dans le passé délivrer Pierre. Le livre racontant les exploits du Diable Vert s'enrichit alors de quelques chapitres sans que les deux amants n'en aient conscience, les modifications sont intégrées à leur propre expérience. Pierre se désespère à cause des visions qu'il a eu de l'avenir, il veut utiliser l'invention d'Essaillon pour bannir la guerre, en commençant par assassiner le futur empereur Bonaparte.

Pierre se transporte donc dans le passé, à l'époque où Bonaparte n'est encore qu'un général et tente de l'abattre sur le champ de bataille. Malheureusement, c'est son propre ancêtre qu'il atteint. Saint-Menoux est transporté d'urgence devant le chirurgien qui sous-estime la gravité de la blessure. Pierre revient dans le présent, épouse Annette et renonce aux voyages temporels. Dans le passé, son aïeul se débat entre la vie et la mort, ce qui altère le présent. Pierre réalise la situation en voyant le portrait de son ancêtre commencer à s'effacer. Il veut revenir dans le passé pour annuler son geste mais Annette a caché la combinaison. Pierre tente de lui expliquer la situation mais c'est trop tard, son grand-père succombe avant de s'être marié, le mathématicien est effacé de la ligne temporelle dans un cri et Annette se réveille, vaguement consciente d'une présence, un soir de 1940. Sur sa table de chevet, le livre contant les exploits du Diable Vert s'efface. Elle retrouve son père, encore dans son bureau à cette heure tardive qui conclut à l'impossibilité du voyage dans le temps, car il lui manque des éléments mathématiques et referme son journal.


  • Le téléfilm est antérieur de trois ans à la trilogie Retour vers le Futur.
  • Le thème du voyage dans le temps est peu exploité à la télévision française, sûrement en raison de l'ampleur des moyens que nécessiterait la reconstitution d'époques historiques différentes... néanmoins un autre téléfilm de cette période, avec Serge Reggiani, exploite cette idée : Le téléphone hanté (1980). Cette fois-ci, le héros entre en contact via un vieux téléphone de campagne avec un officier de la guerre de 14-18 qui croit s'adresser au haut-commandement et qui lui demande quels sont les ordres à suivre.
  • On notera que, depuis 1963, la télévision britannique, nettement plus audacieuse, nourrit son public de voyages et de paradoxes temporels avec la série Doctor Who.
  • L'adaptation est plus « sage » que le roman qui entraîne le lecteur dans un lointain futur où l'humanité a dégénéré (sur le modèle du roman d'H.-G. Wells, La Machine à Explorer le Temps.)
  • Ce récit énonce le « paradoxe du grand-père » : si une personne remonte le temps pour tuer son aïeul avant que son père ne soit conçu, il est à son tour effacé... mais alors il ne peut pas remonter le temps pour tuer son grand-père.
  • Par ailleurs, il interroge le lecteur. A-t-on le droit moral de changer le présent en altérant le passé ? Peut-on voyager dans le temps pour tuer un futur dictateur (ici Napoléon, mais ça pourrait être Hitler) sans se soucier des conséquences ?
  • Le générique mentionne que « toute ressemblance avec une quelconque vérité scientifique ne saurait être le fait que du hasard. » A la télévision française, on reste prudent dans le maniement de la science-fiction et du fantastique.
  • Pierre Tchernia a déjà adapté pour la télévision française des récits à caractère fantastiques d'auteurs français comme Marcel Aymé (Le Passe-Muraille, avec Michel Serrault.)
  • La production exploite au mieux les moyens très limités dont elle dispose, un filtre jaune donne un aspect suranné aux images des voyages dans le passé tandis que les visions du futur apocalyptique sont partiellement floutées (pour masquer les maquettes peu convaincantes qui figurent les bâtiments démolis.) Ironiquement, les images contemporaines de la production du téléfilm, celles du Paris des années 80, sont en noir et blanc.
  • Dans le film réalisé par Pierre, on a la vision d'un Paris encombré par les voitures...
  • On aperçoit brièvement Christine Ockrent, alors reine du 20 heures sur Antenne2, sur un écran de télévision parisien – le téléfilm est produit par Antenne2.
  • Une facétieuse remarque est introduite par Tchernia lorsque Essaillon lit les prix sur les étiquettes et constate qu'ils n'ont pas changé : il en déduit que l'inflation a été maîtrisée et loue la compétence des gouvernements... Les nouveaux Francs (ou « Francs Pinay ») ont été mis en circulation en 1960, ils divisent par cent la valeur de l'ancien franc. Les prix ont donc été multipliés par cent !
  • Autre remarque amusante lorsque Essaillon déclare que les habitations parisiennes ont peu changé avant qu'un plan large ne lui révèle la Tour Montparnasse, seul gratte-ciel parisien intra-muros.
  • Lors de son incursion dans le passé, le Diable Vert dépouille les spectateurs d'un opéra tandis qu'on donne Faust.
  • Michel Serrault, grand ami de Pierre Tchernia, fait une apparition dans le rôle du chef d'orchestre qui réagit lorsqu'il entend les clameurs de la salle épouvantée : « Mesdames et messieurs, s'il vous plait, c'est par ici le spectacle... »
  • Autre clin d’œil facétieux, le Diable Vert serait censé avoir inspiré les exploits de... Fantômas. (Fantômas a été adapté à la télévision française en 1979 par Claude Chabrol et Juan Luis Buñuel.)
Le téléfilm est actuellement visible sur la chaîne You Tube : http://youtu.be/_9oGsf46fVY
(Il s'agit d'un transfert d'enregistrement sur cassette vidéo aussi la définition de l'image n'est pas très bonne.)
La Base de Données de films français avec images lui consacre une page :  http://php88.free.fr/bdff/image_film.php?ID=6512
Les images sont © INA.

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